Un récit né au début du Moyen Âge a offert à la France un monument religieux historique qui accueille fidèles, maitres bâtisseurs et visiteurs depuis des siècles…
Ensemble, explorons l’histoire de ce monument qu’est la célèbre basilique de Saint-Denis.
La semaine dernière, j’ai profité d’un rendez-vous à Saint-Denis pour aller visiter la basilique, célèbre nécropole royale. « Comment ? », me direz-vous, « Gaïa, tu es professeure d’Histoire-Géo et tu n’as jamais mis un pied dans cette basilique si incontournable dans l’histoire de la monarchie française ? » « Je plaide coupable !».

Commençons par le récit à l’origine de l’érection de la basilique. Nous sommes au milieu du IIIe siècle après Jésus-Christ, Denis, premier évêque de Paris, a pour mission avec ses deux compagnons, Rustique et Éleuthère, d’évangéliser la Gaule. Arrêté et condamné, Denis est décapité sur la butte Montmartre et, la légende raconte qu’il se relève, ramasse sa tête et marche près de six kilomètres avant d’expirer… Deux siècles plus tard, Sainte Geneviève (Réputée pour avoir détourné de Paris les Huns, conduit par Attila, « le fléau de Dieu » qui menaçait la ville en 451.) décide de bâtir la basilique sur l’emplacement du tombeau de Saint Denis, mort en martyr en 250.
Ce récit a été fixé par Hilduin, abbé de Saint-Denis, au début du IXe siècle, afin de réduire à néant les tentatives des évêques de Paris de récupérer le corps du célèbre Saint. Cette légende nous dit donc que Saint Denis souhaitait reposer à cet endroit exactement. Par ailleurs, Hilduin aurait assimilé Denis de Paris, ayant vécu au IIIe siècle, et Denys l’Aéropagite du Ier siècle, sans doute le premier évêque d’Athènes.
Ce qui est certain, c’est que la basilique était bel et bien bâtie dès le VIIe siècle après J.-C. car le roiDagobert Ier (oui oui, celui de la chanson écrite durant la Révolution et qui en réalité se moquait de Louis XVI) est le premier souverain Franc, en 639, à être inhumé dans la basilique, non loin de son arrière-grand-mère Arégonde, belle-fille de Clovis. De son vivant, il avait fait de nombreux dons au sanctuaire. Pour autant, la basilique n’était pas encore considérée comme l’unique nécropole royale, de nombreux mérovingiens étaient inhumés dans l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés à Paris.

La basilique retrouve de l’éclat sous les Carolingiens : Charles Martel s’y est fait inhumer en 741 face au roi Dagobert, tandis que son fils Pépin le Bref, premier roi de la dynastie des Carolingiens, y a été sacré en 754 par le pape Étienne II (premier roi des Francs à être sacrer, à l’image des rois juifs David et Salomon). La basilique connaît ainsi une rénovation importante sous l’impulsion de l’abbé Fulrad ; vers 799, elle était décrite comme somptueuse et richement décorée. Toutefois, ni Charlemagne ni son fils Louis le Pieux ne seront inhumés dans l’abbaye, seuls cinq carolingiens ont fait ce choix dont Charles le Chauve (m. 877).

L’abbaye de Saint-Denis connaît un âge d’or sous les premiers Capétiens, tout particulièrement sous l’impulsion de l’abbé Suger, abbé de Saint-Denis dès 1122 et conseiller de Louis VI puis de Louis VII. Dès 1135, l’abbé Suger a fait reconstruire la basilique (trop petite pour accueillir les fidèles) en utilisant de nouvelles techniques architecturales (rose, voûte sur croisée d’ogives) : c’est ce que l’on a appelé plus tard le premier art gothique. À la mort de Suger en 1155, l’abbaye de Saint-Denis est devenue un lieu incontournable que l’on se devait de visiter.



Désormais, Saint-Denis est un haut lieu de la monarchie française : s’y écrit, s’y diffuse et s’y conserve l’histoire officielle des rois de France, notamment dans les Grandes Chroniques de France. D’ailleurs, les regalia (les instruments du sacre : couronne, sceptre, main de justice) y étaient conservés. C’est aussi au XIIe siècle que saint Denis est devenu le saint protecteur du royaume : lorsqu’il partait en guerre, le roi brandissait l’oriflamme (étendard) de Saint-Denis.
De nouveaux travaux effectués au XIIIe siècle sous le règne de Saint Louis ont donné à la basilique l’aspect que nous lui connaissons aujourd’hui. Aux alentours de 1263-1267, Saint Louis a fait édifier puis installer seize gisants (sculpture funéraire de l’art chrétien qui représente un personnage couché sur le dos, vivant ou mort dans une attitude béate ou souriante) royaux sur les corps des souverains mérovingiens, carolingiens et capétiens qui y avaient été inhumés ; il n’en subsiste aujourd’hui que quatorze. Par ce geste, Louis IX voulait montrer que les Capétiens étaient les héritiers des Mérovingiens et des Carolingiens. La basilique Saint-Denis est devenue officiellement la nécropole royale sous le règne de Saint Louis : à l’exception de Philippe Ier, Louis XI, Charles X et Louis-Philippe Ier, tous les rois de la dynastie capétienne y sont inhumés.

La guerre de Cent Ans a fait perdre son prestige à la basilique : pillée par les Anglais puis dominée par les Anglo-Bourguignons au XVe siècle (Charles VII n’a donc pas pu être sacré avec les regalia), Saint Denis a ainsi perdu sa place de protecteur du royaume au profit de Saint Michel dont l’abbaye n’avait pas été prise par les Anglais. Dorénavant, la basilique n’est plus que le lieu de sépulture des souverains.
Le XVIe siècle a été le temps des tombeaux monumentaux : s’y côtoient celui de Charles VIII en bronze (mais fondu durant la Révolution), ceux de Louis XII et Anne de Bretagne, de François Ier et Claude de France, ainsi que d’Henri II et Catherine de Médicis.
Mais la Révolution française a eu raison de la basilique : en 1792, les moines ont été chassés de l’abbaye, puis en 1793, une grosse partie du Trésor a été fondu pour soutenir l’effort de guerre, des tombeaux ont été démontés ou détruits, notamment celui de Charles VIII. Les révolutionnaires, en détruisant les tombeaux et sculptures funéraires, voulaient ainsi s’attaquer au symbole monarchique que représentait la basilique de Saint-Denis. Par ailleurs, ils avaient besoin du plomb contenu dans les tombes pour combattre les monarchies européennes liguées contre la France. Plus tard, la basilique est devenue un hôpital, échappant ainsi à la destruction.


En 1813, sous l’impulsion de Napoléon Ier qui voulait faire de la basilique Saint-Denis une nécropole impériale, des travaux de restauration ont été menés par l’architecte François Debret. De retour sur le trône en 1815, Louis XVIII a redonné à la basilique ses lettres de noblesses, notamment en lui rendant son statut de nécropole royale. Il y a fait rapatrier les restes des corps royaux qui avaient été disséminés, ainsi que ceux de Louis XVI, Marie-Antoinette, Louis VII et Louise de Lorraine. En 1816, les gisants, un temps entreposés au musée des Monuments français (créé en 1795), ont été réintégrés à Saint-Denis (ils seront réinstallés à leur emplacement d’origine plus tard dans le siècle par Viollet-le-Duc).

Enfin, en 1966, la basilique a été élevée au rang de cathédrale ; en 1980, Jean-Paul II l’a honoré de sa visite. Aujourd’hui, la basilique de Saint-Denis possède la plus grande collection de gisants et de tombeaux d’Europe : quarante-deux rois, trente-deux reines, soixante-trois princes et princesses, dix grands du royaumes (dont Bertrand Du Guesclin) y ont été enterrés. Depuis le 14 mars 2025, des travaux ont été entrepris afin de reconstruire la flèche, détruite en 1837 après avoir été frappée par la foudre ; dès septembre 2025, les visiteurs pourront visiter ce chantier.
Cette visite a été une très belle surprise pour moi, les tombeaux et gisants sont magnifiques. Je suis toujours émue lorsque je suis dans un lieu chargé d’histoire et la basilique ne fait pas exception. Des tablettes fixes nous permettent d’en savoir plus sur les gisants, d’abord de manière générale puis sur chaque gisant de manière individuelle, c’est très intuitif. D’ailleurs, au cours de votre visite, vous verrez un cœur momifié (qui ressemble à un pruneau séché (^.^) ). L’église est également de toute beauté, étant fan d’architecture gothique, cela a été un régal pour les yeux. Le billet d’entrée est de 11€, gratuit pour les enseignants munis du Pass Éducation ; ceux qui le souhaitent peuvent louer un audioguide. Je vous encourage à aller visiter ce magnifique monument, incontournable pour tous les amateurs d’Histoire de France.






Sources Images :
1ère : Saint Denis – Par Jean Bourdichon – Horae ad usum Parisiensem – 1480 – BnF
2ème : Dagobert Ier – imaginé par Emile SIGNOL au XIXe siècle – Peinture conservée au musée national du château des Trianons de Versailles
3ème : Abbé Suger – Vitrail de la basilique de Saint Denis
4ème : Saint Denis remettant l’oriflamme au maréchal du Mez
Photographies personnelles prises par Gaïa.
Basilique Cathédrale de Saint-Denis
Adresse : 1, rue de la Légion d’Honneur – 93200 Saint-Denis
Accès : Ligne 13, RER B et RER D
Horaires d’ouverture :
D’avril à septembre Du lundi au samedi : 10h – 18h15 (dernier accès à 17h45)
Le dimanche : 12h – 18h15 (dernier accès à 17h45)
D’octobre à mars Du lundi au samedi : 10h – 17h15 (dernier accès à 16h45)
Le dimanche : 12h – 17h15 (dernier accès à 16h45)
Fermetures pendant les offices religieux et les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre.
