Spartacus : une épopée vers la liberté

Deuxième partie
Spartacus l’inarrêtable

Dans la première partie, nous avons (re) découvert Rome, sa pratique de l’esclavage et de la gladiature. Mais nous avons surtout fait connaissance avec Spartacus, un guerrier thrace visiblement pas comme les autres. A ce stade, en été 73 avant J.-C., il a réussi à vaincre l’armée envoyée par Rome, notamment grâce à la ruse.
Continuons ensemble son épopée, entre gloire et tragédie,  ingrédients nécessaires pour la création d’une légende…

Spartacus VS le préteur Varinius

Spartacus sait qu’il va désormais devoir affronter un adversaire plus puissant que Claudius. Au Sénat, bien que l’on méprise toujours cette mission, la tâche est confiée aux magistrats préteurs[1] Varinus Glaber et Publius Valerius à la tête d’une armée ramassée à la hâte.

Un premier affrontement, fatal pour une partie des esclaves, a lieu entre Oenomaus et Varinus. En effet, le leader gaulois a choisi de faire scission avec Spartacus qui ne souhaitait pas attaquer la nouvelle armée romaine. Après la défaite et la mort d’Oenomaus, Spartacus fuit rapidement vers le Sud et réussi à contrer les éclaireurs qui sont envoyés par Varinus.

Les esclaves se retrouvent assiégés pour la deuxième fois depuis l’évasion. La ruse s’invite de nouveau dans l’esprit de Spartacus. Il fait dresser deux poteaux à l’entrée de son camp autour desquels il attache des cadavres pour faire office de sentinelle. Il laisse derrière lui un seul homme – probablement volontaire – doté d’une corne. Ce dernier souffle un signal que les Romains reconnaissent comme étant la simple relève de la garde de Spartacus. Ils ne se doutent donc pas que Spartacus et son armée ont fui en silence pendant la nuit…

Varinus envoie alors un certain Cossinius aux trousses de Spartacus. Bien trop confiant, Cossinius se fait attaquer par surprise alors qu’il est dans son bain. Il fuit nu avant de se faire rattraper et tuer par un ancien esclave… C’est l’humiliation ultime pour le préteur romain.

Spartacus décide d’attaquer fréquemment, de manière ponctuelle et intense l’armée de Varinus. Un système de guérilla se met alors en place contre le Préteur. Ses troupes sont démoralisées et de nombreux soldats désertent. Le magistrat décide d’envoyer un questeur à Rome pour que ce dernier explique la situation au Sénat et demande des renforts. Cependant, Varinus et ses troupes n’attendent pas la nouvelle force armée de Rome et décident d’affronter Spartacus. Les Romains connaissent une défaite cuisante et humiliante pour Varinus. Ses troupes abandonnent la zone et laissent le sud de l’Italie aux mains de Spartacus qui « dès lors, fut grand et redouté » selon Plutarque. Spartacus est alors rejoint par de plus en plus d’esclaves et de bergers libres qui vivent dans de terribles conditions.

Spartacus interprété par Liam McIntyre.

A la fin de l’année 73, l’armée de Spartacus compte au moins 40 000 hommes, certaines sources en comptent même 70 000.

L’hiver est arrivé et Spartacus choisi un endroit stratégique pour s’y installer avec ses troupes : la cité de Thurium. Il ne sera pas attaqué par la mer puisque ce sont des pirates qui dominent les eaux. Les montagnes qui entourent la région les protègent. Il ne reste que l’accès par la Via Popillia sur laquelle Spartacus a placé ses hommes pour le prévenir en cas d’attaque romaine.

“Dès lors, le Sénat ne fut plus seulement ému de l’indignité et de la honte d’une telle rébellion ; la crainte et le danger le déterminèrent, comme s’il s’agissait d’une guerre des plus graves et des plus difficiles, à envoyer deux consuls à la fois.”
Plutarque

Spartacus VS les consuls Lentulus & Gellius

Rome lève de nouveau une armée à la hâte et doit entraîner les nouvelles recrues rapidement et efficacement afin qu’elles marchent vers le Sud. Cependant, la mission s’avère plus compliquée que prévu et ils craignent de ne pas être prêt pour ce qui les attend.

Du côté des esclaves, Spartacus et Crixus ne s’entendent pas sur la marche à suivre et l’objectif de l’armée des esclaves. Le premier souhaite un retour de chacun dans sa terre natale, loin de Rome et de l’asservissement. Le second, avide de vengeance et très ambitieux veut marcher sur Rome afin de faire subir à ses anciens maîtres toute la violence de ses humiliations passées.

Mort de Crixus.
Interprété par Manu Bennett dans la série Spartacus de Steven S. DeKNIGHT.

L’affrontement entre Crixus et l’armée romaine se fait en deux temps. D’abord, lors du premier face à face, les Romains, dirigés par le consul Gellius, sont pétrifiés par l’organisation, la discipline et la ferveur de l’armée gauloise. Ils abandonnent leur camp et laissent les esclaves s’en emparer. Cela étant, les légions ne se sont pas beaucoup éloignées et les hommes de Crixus se sont laissés tenter par le pillage et la boisson. Alors que la plupart étaient ivres, les Romains attaquent le camp et près de 2/3 des hommes de Crixus sont massacrés. Crixus aurait mené un combat acharné mais a fini par périr aux mains de ses anciens maîtres…

Encouragé par cette première victoire contre les esclaves, le consul Lentulus continue lui, sa traque de Spartacus qui fuit vers le Nord, sans passer par Rome. Lorsque les troupes du consul Gellius auront rejoint celles de Lentulus, l’armée de Spartacus sera en infériorité numérique.
Cependant, Lentulus, persuadé de l’arrivée imminente de Gellius, décide d’attaquer l’armée de Spartacus en terrain découvert, ce qui offre un avantage considérable à l’armée des esclaves, redoutable à ce niveau. Les Romains se débandent et c’est une victoire pour Spartacus. Il se dirige ensuite vers l’armée de Gellius et le résultat est le même.
L’armée de Spartacus a réussi l’exploit de défaire deux armées consulaires grâce à une stratégie prudente et une discipline qui dépasse l’entendement des Romains.

Une pause pour la bonne cause?
Funérailles de Crixus

Une fois cette nouvelle victoire emportée, les sources relatent un épisode intéressant sur l’hommage qu’il aurait rendu à son ancien compagnon, Crixus, ainsi qu’à tous les esclaves tombés au combat. Il offre à ses hommes une cérémonie funéraire où chaque peuple rend hommage à ses compatriotes. Lors de ces funérailles, il organise alors des combats de gladiateurs où, cette fois ci, ce sont les Romains qui doivent combattre.

Ici, Spartacus réalise plusieurs choses. Avec cette cérémonie funéraire et l’accomplissement des rites selon les dieux de chacun, ses hommes retrouvent une réelle dignité dans la vie et dans la mort. Les esclaves savent désormais que, même s’ils tombent au combat, leurs corps ne seront pas perdus et dévorés par des animaux sauvages. Leur vie a de la valeur et Spartacus les met tous sur un même pied d’égalité. Par ailleurs, lorsqu’il leur offre un combat de gladiateurs composés uniquement de romains, il leur octroie une nouvelle forme de vengeance où les esclaves d’hier deviennent les maîtres d’aujourd’hui. De plus, compte tenu du fait qu’il laisse vivre et partir ceux qui se sont bien battus (selon l’audience), il envoie un message clair à Rome : vos hommes, en plus d’avoir été fait prisonniers, ont subi l’humiliation ultime.

Une question se pose concernant cet épisode, à savoir, si cela est considéré comme étant juste ou contraire au principe initial de la révolte. Cela rappelle notamment la décision qu’a pris l’héroïne de la saga « Hunger Games », Katiniss Everdeen une fois libéré du joug du Capitole. Elle avait accepté que de nouveaux jeux aient lieu avec les enfants de ceux qui les avaient organisés… Libre à chacun de choisir s’il est pour ou contre une telle décision…

A l’été 72, Spartacus est à la tête d’une armée de près de 100 000 hommes. Ils viennent d’horizons différentes et un nombre très important d’italiens a désormais rejoint les rangs.

Un nouveau plan : Rome ?

Après les funérailles, Spartacus continue d’avancer vers la Gaule afin d’atteindre son objectif qui est de faire sortir son armée de la zone de domination romaine. Sur le chemin, le proconsul de Gaule cisalpine, Gaius Cassius Longinus tente de l’arrêter mais lui et son armée de 10 000 hommes sont vaincus par Spartacus et ses hommes. Ils se retrouvent donc au niveau du Pô qu’ils n’ont plus qu’à traverser…

Cependant, Spartacus et ses hommes ne traversent pas. Les sources ne nous indiquent pas une raison précise mais il existe probablement deux facteurs. Le premier, lié à la praticité, puisque Spartacus ne dispose d’aucune embarcation et il n’est pas en mesure de faire traverser toute son armée en peu de temps le fleuve probablement en crue. Le second, lui, a plutôt un lien avec les ambitions de ses troupes. Une grande partie de ses hommes sont désormais des Italiens qui ne souhaitent pas quitter la péninsule vers des contrées étrangères. Spartacus opère donc un demi-tour pour l’une des raisons évoquées (ou les deux) et une armée consulaire tente de les arrêter mais elle est de nouveau défaite.

L’armée des esclaves semble vouloir une vraie révolte, alors la rumeur commence à circuler : Spartacus et ses 100 000 hommes marchent sur Rome…


[1] La prêtrise fait partie des magistratures de la carrière des honneurs (cursus honorum) dans la Rome Antique. Il existe 4 grandes catégories hiérarchisées : questeur, édile, préteur et consul (le plus important).

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