L’exposition
Mercredi 05 juillet 2023, nous sommes allées visiter l’exposition « La Haine des Clans » au musée de l’Armée (aux Invalides à Paris), qui a pour sujet les guerres de Religion, une succession d’affrontements, de répressions et de massacres qui ont profondément transformé le royaume de France.
L’exposition retrace les troubles, parfois violents, qui ont divisé le royaume, depuis la mort accidentelle d’Henri II, lors d’un tournoi, en 1559, à l’assassinat d’Henri IV, en 1610. Tout au long du parcours sont disposés çà et là de manière thématique, des documents d’archives (des lettres des grands acteurs de l’époque, mais encore les édits de Nantes et de Fontainebleau), des ouvrages anciens (produits de la propagande catholique et protestante, mais également des traités politiques), des armures de guerre ou de tournois, des armes et des portraits qui nous permettent de nous immerger dans cette seconde moitié du XVIe siècle où nous découvrons les événements qui ont jalonné quarante ans de conflits religieux ainsi que les principaux chefs de guerre et chefs de partis, qui ont soutenu ou combattu le pouvoir royal.
Nous apprenons aussi que ces affrontements avaient une dimension politique (rivalités nobiliaires entre grandes familles catholiques et protestantes, famille royale incluse) et internationale (ingérence des pays voisins : l’Espagne, pour les ligueurs catholiques, l’Angleterre, les Pays-Bas, le Danemark et le Palatinat – territoire du Saint Empire romain germanique – les protestants). Finalement, il faut attendre l’accession au trône en 1589 d’Henri IV, d’abord protestant, converti une énième fois (et la dernière) au catholicisme en 1593, puis la promulgation de l’édit de Nantes en 1598 pour que prenne fin quarante ans de guerre de Religion dans le royaume de France
L’édit de Nantes
« Je veux que ceux de la religion vivent en paix en mon royaume. Il est temps que nous tous, saouls de guerre, devenions sages à nos dépens. »
(Henri IV)
Cette citation que l’on doit au bon roi[1] Henri IV résume l’esprit de l’édit de Nantes, signé le 13 avril 1598, qui met fin à quarante années de guerres entre catholiques et protestants qui ont mis le royaume de France à feu et à sang. Unique en Europe, cet édit fixe le statut des protestants dans le royaume de France. Il met en avant des clauses religieuses (liberté de conscience, liberté de culte, restitution des temples et autorisation d’en construire de nouveaux), des clauses politiques (amnistie, égalité civile, accès à tous les emplois, tribunaux composés de magistrats catholiques et protestants) et aussi des clauses territoriales et militaires (places fortes protestantes). Toutefois, cet acte présente de nombreuses restrictions qui ont empêché la propagation du protestantisme dans le royaume ; d’ailleurs, même sous le règne d’Henri IV, l’édit n’a jamais été complètement appliqué. Surtout, il a instauré un État dual, à la fois catholique et protestant, permettant aux huguenots[2] de former en quelque sorte un « État dans l’État », au grand mécontentement des catholiques.
En 1629, suite à la crise de 1627-1629 dont le point culminant a été le siège de La Rochelle, place forte protestante, l’édit d’Alès, promulgué par le cardinal de Richelieu et Louis XIII, abroge les clauses politiques de l’édit de Nantes, privant ainsi les protestants d’assemblées politiques et de leurs places de sureté. Enfin, en 1685, souhaitant rétablir l’unité du royaume sous l’adage « Une foi, une loi un roi », Louis XIV révoque l’édit de Nantes par l’édit de Fontainebleau : le protestantisme est interdit dans le royaume de France.
Les guerres de Religion, qu’est ce que c’est?
Le protestantisme
Au début du XVIe siècle, en Allemagne, le prêtre Martin Luther (1483 – 1546) s’interroge profondément sur la mort et le Salut de l’âme. Il développe une pensée dans laquelle il s’oppose au rôle qu’aurait l’Eglise, en tant qu’intercesseur, pour le Salut de l’âme des chrétiens. En 1517, il publie ses 95 thèses qui sont une liste de propositions destinées à réformer la religion chrétienne. Il défie donc l’autorité du Pape, chef de l’Eglise, et est ainsi à l’origine du protestantisme.
Ses idées se propagent dans toute l’Europe où la religion régie la vie de tous, du paysan dans son champ aux rois et reines dans leurs palais. En France, la progression de cette pensée et de ce courant a pour conséquence le déclenchement d’une guerre civile qui déchire le royaume durant plusieurs décennies.
1530 – 1562 : Premières tensions et premiers affrontements
Les tensions entre catholiques et protestants débutent donc sous le règne de François Ier (1515 – 1547) et continuent sous celui de son fils, Henri II (1547 – 1559) durant lesquels sont promulgués deux importants édits. Le premier, celui de Fontainebleau, en 1539, officialise la répression royale à l’égard des protestants, notamment en réaction à l’affaire des placards[3] de 1534. Le second, celui de Compiègne en 1557, instaure la peine de mort systématique pour les hérétiques.
En 1559, lorsque le jeune François II (1544 – 1560) monte sur le trône, la noblesse est divisée entre catholiques, menés par la famille de Guise – oncles maternels de l’épouse du roi, la reine d’Ecosse, Marie Stuart – et protestants, dont les leaders appartiennent à la branche cousine royale des Bourbons. Ce sont les Guise qui prennent le pas sur les Bourbons. Cependant, la reine mère, Catherine de Médicis (1519 – 1589) souhaite opter pour une politique de conciliation et d’apaisement, ce qui donne lieu à l’édit de Romorantin en mars 1560. Il garantit une liberté de conscience aux protestants. Malgré cela, les tensions continuent de croître et les affrontements entre catholiques et protestants au sein de la population se multiplient. Les catholiques s’organisent alors en « ligues » armées dirigées par les nobles.
Lorsque Charles IX (1550 – 1574) accède au pouvoir en 1560, il n’est pas encore majeur et c’est sa mère, Catherine de Médicis qui est régente. Elle poursuit sa politique de conciliation et, en janvier 1562, est promulgué l’édit de Saint-Germain qui garantit la liberté de conscience et de culte dans les faubourgs des villes et maisons privées aux protestants. Cela a pour effet d’enrager les catholiques qui décident de passer à l’action.
1562 – 1598 : Les guerres de Religion
La guerre civile débute à partir de mars 1562 lorsque les hommes du duc François de Guise (1519 – 1563) massacrent des protestants à Wassy qui assistaient à un prêche à l’intérieur de la ville. Lorsque la nouvelle arrive aux oreilles des protestants, ces derniers s’arment et se préparent à riposter sous les ordres du prince Louis Ier Bourbon de Condé (1530 – 1569).
Il y eu au total, huit guerres de religions allant de 1562 à 1598 dont les durées varient, où de nombreux massacres sont perpétrés, et où les victoires se font minces pour l’un et pour l’autre. Durant l’ensemble de cette période, le pouvoir royal tente de maintenir et d’imposer son autorité tantôt via une politique d’apaisement, tantôt en prenant des décisions radicales dont les conséquences finissent par échapper à son contrôle.
1562 – 1563 : Une défaite protestante et l’assassinat du leader catholique, le duc François de Guise, permet au pouvoir royal d’instaurer une paix avec l’édit de d’Amboise qui reprend l’édit de Saint-Germain mais limite la liberté de culte
1567 – 1568 : A lieu un massacre de catholiques à Nîmes mais l’offensive protestante prend fin avec la paix de Longjumeau qui rétabli l’édit d’Amboise qui avait été annulé suite à la tentative d’enlèvement du roi par le prince de Condé.
1569 – 1570 : Edit de Saint-Maur annule les concessions de Longjumeau mais la résistance protestante sous l’amiral Gaspard de Coligny (1519 – 1572), qui devient une réelle menace, permet aux protestants de signer une paix très avantageuse. L’édit de Saint-Germain est rétabli et le pouvoir royal octroie aux protestants quatre places fortes au sein du royaume. Cette paix inclue également une clause secrète qui prévoit le mariage entre le prince de sang protestant, Henri de Navarre (1553 – 1610) et la princesse et sœur du roi, Marguerite de Valois (1553 – 1615).
1572 – 1573 : Déclenchée par le massacre de la Saint-Barthélemy qui débute la nuit du 23 au 24 août 1572, quatre jours après le mariage d’Henri de Navarre avec Marguerite de France. Apres la tentative d’assassinat de l’amiral Coligny le 22 août, le pouvoir royal craint une réaction violente des protestants et ordonne l’exécution de leurs leaders, ce que la noblesse catholique comprend comme étant une autorisation de tuer tous les protestants. Ce massacre débute dans les couloirs du palais du Louvre à Paris et s’étend au reste de la population jusque dans les provinces et sur plusieurs jours. Les affrontements prennent fin avec l’édit de Boulogne mais il n’y a aucune avancée particulière.
1574 – 1576 : Henri III (1551 – 1589) monte sur le trône et est confronté à trois groupes politiques qui s’affrontent. Les « Malcontents » : nobles catholiques qui se considèrent lésés par le pouvoir royal, les « Politiques » qui sont des catholiques modérés qui veulent la fin de la répression et le retour à la paix civile et enfin, des protestants radicaux guidés par le prince Henri de Condé (1552 – 1588). La guerre prend fin avec l’édit de Beaulieu, favorable aux protestants.
1576 – 1577 : Création de la « Ligue Catholique » armée par Henri de Guise (1550 – 1588). Les protestants se sentent menacés et prennent les armes. L’édit de Poitiers, moins favorable aux protestants, met un terme aux affrontements.
1579 – 1580 : Les protestants refusent de rendre les quinze places de sureté qui leurs avait été octroyés pour une durée de six mois par le pouvoir royal – Catherine de Médicis – avec le traité de Nérac. Henri de Navarre, alors beau-frère du roi, prend Cahors et résiste. La paix de Fleix est alors signée et les protestants maintiennent les places de sureté pour six ans.
1585 – 1598 : Guerre qui voit s’affronter trois Henri : le roi de France, le roi de Navarre et le duc de Guise. Henri de Navarre montre ses talents militaires puisqu’il est victorieux sur les deux autres, mais il faut noter qu’Henri III fait preuve de retenue puisqu’il sait que son beau-frère est l’héritier du trône de France. Une haine de la part des catholiques se développe contre Henri III et ce dernier est contraint de rejoindre la « Sainte Ligue »[4] née en réaction au choix d’Henri de Navarre comme héritier du trône. En juin 1588, le roi signe l’édit d’Union qui l’oblige à condamner les protestants, s’engager à défendre la foi catholique sans limite, accorder d’importants pouvoirs aux chefs de la Ligue et à écarter Henri de Navarre du trône en faveur du cardinal Louis de Guise (1555 – 1588). En décembre de la même année, Henri III reprend le contrôle et fait assassiner le duc de Guise, puis le cardinal de Guise.
Henri III est assassiné le 1 août 1589 par un moine ligueur, Jacques Clément et Henri de Navarre devient roi de France sous le nom d’Henri IV. Avec le soutien du très catholique roi d’Espagne Philippe II, les ligueurs continuent leur lutte contre Henri IV et ne le reconnaissent pas comme roi de France. Henri IV réussi à reconquérir son royaume et en avril 1598, il fait promulguer l’édit de Tolérance que l’on connait mieux sous le nom édit de Nantes.

















[1] Henri IV obtient le qualificatif de « bon roi » après sa mort sous les règnes de son fils Louis XIII et son petit-fils Louis XIV
[2] Surnom, à l’origine à connotation négative, donné en France aux protestants par les catholiques du XVIe siècle au XVIIIe siècle.
[3] Des protestants placardent dans les lieux publics à Paris et dans d’autres villes de provinces, des textes anticatholiques, allant même jusque sur la porte de la chambre du roi.
[4] Nom donné à un parti de catholiques qui s’est donné pour but la défense de la religion catholique contre le protestantisme.
Sources:
https://www.histoire-en-citations.fr/citations/montaigne-pour-la-religion-dont-tous-les-deux-font-parade https://www.histoire-pour-tous.fr/guerres/2429-les-guerres-de-religion-en-france-1562-1598.html
Exposition au musée de l’Armée, aux Invalides, du 5 avril au 30 juillet 2023.
https://www.musee-armee.fr/au-programme/expositions/detail/la-haine-des-clans-guerres-de-religion-1559-1610.html

Hélas, les guerres de religion persistent et signent
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