« Je suis tout à l’Égypte, elle est tout pour moi »
Jean-François Champollion, Lettres écrites d’Égypte et de Nubie, 1828 et 1829
Les hiéroglyphes : une écriture ancienne ou des symboles magiques ?
Savez-vous ce qu’est un hiéroglyphe ainsi que sa fonction ? Est-ce de simples dessins, un « code-rébus » ou une écriture ancienne ? « Le hiéroglyphe est un caractère sacré de l’écriture égyptienne antique, à valeur figurative, idéographique ou phonétique. [1]»
Le terme « hiéroglyphe » vient du grec hieros qui signifie « sacrer » et de glyphein « graver ». Dans l’Égypte antique, seuls les scribes, au service de l’État, savaient lire et écrire ; ils écrivaient des textes religieux et officiels. Ils ont créé les signes hiéroglyphes en s’inspirant de ce qui les entourait : des objets de la vie quotidienne, les astres, les plantes et les personnes. En effet, l’écriture est un outil qui retranscrit les sons d’une langue et renvoie à une réalité connue du locuteur. Une même langue peut avoir plusieurs écritures dans le temps, comme l’égyptien. C’est de cette manière que Champollion a réussi à déchiffrer les hiéroglyphes.
La dernière inscription en hiéroglyphes, datant du 24 août 394 apr. J-C., a été gravée sur la porte d’Hadrien, dans le temple Philae, situé dans le sud de l’Égypte. Les hiéroglyphes sont donc une forme d’écriture et non des symboles magiques ou un « code-rébus » comme cela a longtemps été cru par les auteurs grecs, latins et arabes. Cependant, des théories farfelues sont toujours d’actualité, comme, par exemple le fait que la Chine soit une ancienne colonie de l’Égypte des pharaons.
Jean-François Champollion et le déchiffrement des hiéroglyphes
Jean-François Champollion, dit Champollion le Jeune, est né en 1790 à Figeac (Lot) et mort en 1832 à Paris. Très jeune, il apprend le latin, l’hébreu, le grec ancien, l’araméen, les langues précolombiennes et le copte [2]. Passionné de culture égyptienne antique, encore méconnue, Champollion considère que déchiffrer les hiéroglyphes est la première étape pour découvrir et comprendre la civilisation égyptienne (coutumes, culture, religion). En 1799, lors de l’expédition en Égypte menée par Napoléon Bonaparte, un fragment de stèle est découvert à Rosette, appelée « Pierre de Rosette », près d’Alexandrie, sur lequel est rédigé un texte en trois écritures : hiéroglyphique, démotique [3] et grecque. C’est en étudiant les estampages [4] faits par des savants français, avant que la stèle ne soit confisquée par les Anglais en 1801, que Champollion parvient à déchiffrer les hiéroglyphes. À partir de 1822, Jean-François Champollion se consacre exclusivement au déchiffrement de la Pierre de Rosette.


La date du 27 septembre 1822 a été marqué d’une pierre blanche : c’est le jour où Champollion a déchiffré et traduit les hiéroglyphes. Dans les faits, cette date correspond en réalité au jour où a été lue une lettre de Champollion, destinée à Monsieur Dacier, le secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à Paris [5]. « L’interprétation du texte démotique de l’Inscription de Rosette par le moyen du texte grec qui l’accompagne, m’avait fait reconnaître que les Égyptiens se servaient d’un certain nombre de caractères auxquels ils avaient attribué la faculté d’exprimer des sons, pour introduire dans leurs textes idéographiques les noms propres et les mots étrangers à la langue égyptienne. » (Jean-François Champollion, Lettre à M. Dacier, 1822).

Dans cette lettre, Champollion y expose ses recherches sur des signes phonétiques, qui ont été utilisé pour l’écriture des noms des pharaons grecs et romains. Surtout, les découvertes qui sont exposées dans cette lettre sont le résultat d’un travail long de dix ans et d’une étroite collaboration entre Jean-François Champollion et son frère ainé Jacques-Joseph Champollion, dit Champollion-Figeac, tous deux des passionnés de l’Égypte antique.
Mais la mort prématurée de Champollion le Jeune, le 4 mars 1832, le plonge presque dans l’anonymat. Ses recherches et ses écrits ont été édité par son frère ainé, Jacques-Joseph Champollion, ce qui a permis de relancer la recherche sur le déchiffrement des hiéroglyphes.
Des décennies plus tard, les frères Champollion seront appelés « les pères de l’égyptologie ». À la fin du XIXème siècle, le récit national français s’empare de l’image de Champollion le Jeune et de la Pierre de Rosette afin d’en faire les nouvelles icônes du patriotisme.
L’Égypte et les hiéroglyphes dans la culture populaire
Champollion a révélé une part du mystère qui planait sur l’Égypte (histoire, mythes) et les hiéroglyphes. Pourtant, le mystère persiste. L’Égypte, les hiéroglyphes et la personne de Jean-François Champollion fascinent et s’immiscent dans la culture populaire :
- Dans les bandes dessinées : Les aventures de Tintin : les cigares du pharaon [6] ; Astérix et Cléopâtre[7] ; Les aventures de Blake et Mortimer : le Mystère de la Grande Pyramide [8]; Le scarabée d’ambre [9]; Champollion, le champion des hiéroglyphes [10].
- Dans les films et séries télévisées : la licence des Stargate [11]; Flynn Carson/Flynn Carson et les Nouveaux Aventuriers [12] ; Indiana Jones : Les Aventuriers de l’Arche perdue [13] ; La Momie [14]; Sydney Fox[15].
- Dans des jeux-vidéos : la licence des The Legend of Zelda[16] ; Tomb Raider 4 : la révélation finale [17]; Assassin’s Creed : Origins[18].
- Dans des dessins animés : Les Turbo Momies [19]; Papyrus[20].
- Dans les arts plastiques : Les super-héros de notre culture pop en hiéroglyphe[21].
- Dans l’architecture : la Pyramide du Louvre[22].
- Dans les jouets pour enfants : Les Lego.


Cela ne s’arrête pas là, puisque des objets « égyptisants » se trouvent facilement, dans différentes grandes surfaces, chez des antiquaires, chez des libraires, ainsi que dans les boutiques souvenirs du Louvre.

Source : BnF
L’exposition
L’exposition L’aventure Champollion, dans le secret des hiéroglyphes a été créée à l’occasion du bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes. Elle s’adresse à tous et en particulier au jeune public. Sont présentés « la méthode Champollion », son actualité et l’influence qu’elle a encore de nos jours. Près de 350 pièces (manuscrits, estampes, photographies, papyrus, sculptures, etc.) issues des collections de la BnF, du Louvre ou encore du musée Egizio de Turin, viennent redonner vie à une civilisation fascinante et à un érudit qui a trouvé la clé de décryptage d’un des plus grands mystères de l’Histoire.
Cette exposition nous a parue réussie. Toutes deux curieuses de la civilisation égyptienne, que nous regrettons de n’avoir pas pu étudier à l’université faute de professeurs spécialisés en égyptologie, nous avons sauté sur l’occasion d’aller visiter cette exposition sur Champollion, comme nous l’avions fait en 2019 pour l’exposition sur Toutankhamon à La Villette. L’exposition est à notre sens, une mine d’informations dantesque. Nous pouvions lire les différentes explications et les cartels sous les objets, écouter des vidéos programmées et observer beaucoup d’objets divers. Pour les plus jeunes, un livret est distribué à l’entrée et un parcours adapté est proposé (cela amuse également les plus grands !).
Nous vous recommandons cette exposition, que vous soyez seul(e) ou en famille. N’oubliez pas de réserver votre billet à l’avance (il y a des horaires à respecter) ; le masque n’est pas obligatoire.
Coré et Gaïa
Exposition à la Bibliothèque nationale de France (BnF), du 12 avril au 24 juillet 2022.
https://www.bnf.fr/fr/agenda/laventure-champollion
[1] Dictionnaire CNRTL
[2] Une forme tardive de l’égyptien ancien, utilisée aujourd’hui dans la liturgie des chrétiens coptes.
[3] Écriture cursive, utilisée par les Égyptiens à partir du VIIIe siècle av. J.-C. environ.
[4] En archéologie, relevé mécanique des inscriptions sur un papier fort non encollé et bien humecté, appliqué contre la surface et amené, à coups de brosse, à épouser tous les creux. (Sec, il se détache et donne une copie négative en relief. Un estampage rudimentaire peut être réalisé par simple frottis à la mine de plomb.) Dictionnaire Larousse.
[5] Une des cinq Académies qui constituent l’Institut de France. Elle a été fondée en 1663, par les soins de Colbert, sous le nom de Petite Académie. Elle se composait originairement de quatre membres choisis par le ministre et qui devaient déjà faire partie de l’Académie française : ils avaient pour mission de composer les inscriptions des monuments élevés par Louis XIV et les médailles frappées en son honneur. A dater de cette époque sont rédigés les Mémoires de l’Académie (1717), comprenant des études d’histoire, d’archéologie, de linguistique, etc. Supprimées en 1793, elle devint, en 1803, la Classe d’histoire et de littérature de l’Institut. (Dictionnaire Larousse)
[6] Créé par Hergé, en 1934.
[7] Créé par Albert Uderzo et René Goscinny, en 1965.
[8] Créé par Edgar P. Jacobs, en 1950.
[9] Chapitre hors-série du Château d’ambre d’Art of K, publié en 2020 sur Webtoon.
[10] Créé par Caroline Dugand, en 2020.
[11] Créé par Roland Emerich et Dean Devlin, depuis 1994.
[12] Réalisés par Peter Winther et Noah Wilde, à partir de 2004.
[13] Réalisé par Steven Spielberg, en 1981.
[14] Réalisé par Stephen Sommers, en 1999.
[15] Créé par Jay Firestone et Gil Grant de 1999 à 2002.
[16] Créé par Nintendo pour la première fois en 1986. Dans ce jeu, les écrits hyliens sont un mélange entre les hiéroglyphes égyptiens et l’alphabet maya.
[17] Créé par Square Enix, en 1999.
[18] Créé par Ubisoft, en 2017.
[19] Créé par Seth Kearsley, en 1997.
[20] Diffusé sur TF1 en 1998.
[21] Dessinés par Josh Lane, en 2014.
[22] Construite sur les plans de Leoh Ming Pei, en 1985-1989